Vers une refonte préventive du système sanitaire en élevage
Face à l’évolution des risques exacerbée par le changement climatique et la mondialisation, le ministère de l’Agriculture ouvre le chantier de rénovation du modèle sanitaire.
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C’est une refonte majeure de la politique sanitaire qui s’écrit. Les Assises du sanitaire animal, pilotées par le ministère de l’Agriculture, amorcent un tournant stratégique dans la gestion des risques en élevage. Elles ouvrent les débats sur le financement des crises et appellent à passer d’une logique réactive à une démarche préventive pour l’ensemble des filières. Le système actuel repose sur le modèle issu des États-généraux du sanitaire, conduits il y a une quinzaine d’années. Si la ministre, Annie Genevard, récuse toute volonté de « faire table rase de ce modèle », elle affiche néanmoins l’ambition de « l’améliorer ».
Une première phase de diagnostic, menée en concertation avec les acteurs des filières les plus concernés par les épizooties, s’est déjà déroulée. Une quarantaine d’organisations professionnelles agricoles ont envoyé des contributions structurées autour de sept thématiques : gouvernance, financement, prévention, surveillance, lutte, anticipation et souveraineté. Le manque de moyens humains, le délitement du maillage vétérinaire et l’absence d’interconnexion entre les bases de données figurent parmi les premières faiblesses identifiées. La réunion de lancement des Assises, le 30 janvier dernier, a dessiné les contours des premières pistes d’amélioration, visant à terme la signature de contrats sanitaires de filières.
Prévention et socle commun
« L’objectif premier, c’est d’avoir une politique de prévention beaucoup plus efficace et d’aboutir à une maîtrise des coûts pour tout le monde : pour les éleveurs, pour l’État, pour les filières, pour tous les acteurs de l’écosystème sanitaire », explique la directrice de GDS France, Kristel Gaches. Cette réflexion s’articule autour d’un « socle commun transversal » qui servira de fondement aux futurs contrats sanitaires de filière. Piloté par la Direction générale de l’alimentation (DGAL), le premier groupe de travail consacré à la gouvernance du système se réunira le 29 avril, avec pour objectif de finaliser ces orientations d’ici à la fin de 2025.
Cette stratégie de prévention présente deux intérêts majeurs. Le premier, d’ordre sanitaire, consiste à anticiper plus efficacement l’émergence des maladies, à intervenir en amont et ainsi augmenter les chances de s’en prémunir. Le second, d’ordre économique, vise à alléger la ligne budgétaire liée aux indemnisations. « Un euro en prévention, c’est dix euros en curatif », affirme Kristel Gaches. Elle souligne que « ce n’est pas instinctif », mais ce changement de paradigme est pourtant nécessaire : « C’est un investissement. À terme, ça coûtera moins cher à tout le monde. »
La transition vers une culture de la prévention s’est déjà imposée à certaines filières sous la pression des crises : l’influenza aviaire pour la volaille, la menace de peste porcine africaine pour les porcins, ou encore la tuberculose pour les ruminants dans certaines zones. Mais l’approche doit désormais être globale. « Nous ne pouvons plus raisonner en silo », insiste la directrice de GDS France. Un constat particulièrement pertinent pour les maladies communes à plusieurs espèces, comme la fièvre aphteuse qui peut toucher porcs et ruminants. « Le challenge sera d’arriver collectivement à travailler sur ces logiques de prévention, d’anticipation, et peut-être une surveillance plus précoce pour être beaucoup plus réactifs en cas de foyer », ajoute-t-elle. La biosécurité, encore insuffisamment ancrée dans les pratiques, constitue un autre axe majeur de cette transformation.
Financement et gouvernance
C’est néanmoins la question de la maîtrise budgétaire par l’État qui apparaît en filigrane de la genèse des Assises. Celles-ci doivent clarifier le financement du sanitaire, aujourd’hui principalement assuré par les éleveurs et l’État, au moment même où les contraintes budgétaires réduisent la marge de manœuvre publique. La possibilité d’une contribution élargie — incluant l’aval des filières, voire les consommateurs — demeure posée, non sans susciter des réticences variables selon les secteurs.
Pour la FNSEA, le Fonds de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) pourrait jouer un rôle central dans la nouvelle architecture. La profession agricole est partante pour développer une approche plus préventive, a assuré son président, Christophe Chambon, à l’assemblée générale de la Fédération nationale des producteurs de lait, le 9 avril. Il propose d’élargir l’objet de l’instance. Actuellement cantonné à l’indemnisation lors des crises, le fonds pourrait prendre en charge une partie des coûts de vaccination, allégeant ainsi la charge financière pour les éleveurs. Plus audacieuse encore, l’idée que le FMSE puisse garantir un volume de commande de vaccins auprès des laboratoires pharmaceutiques.
Un FMSE pivot de la stratégie
Aujourd’hui, tous les agriculteurs cotisent à la section « commune » du FMSE, et d’autres cotisations sont appelées à travers les sections spécialisées par filière, rappelle le responsable des questions sanitaires à la FNSEA, Laurent Saint-Affre. Par exemple, la cotisation en ruminants représente 12 centimes par tête en bovin, et 2 centimes pour les ovins. « Est-ce cher ? demande-t-il. Tout dépend. Si ces cotisations ne débouchent sur rien, oui. Mais s’il y a des projets solides qui sécurisent nos exploitations, ça vaut le coup. »
Laurent Saint-Affre appelle donc à la réflexion sur les montants des cotisations : sont-elles adaptées aux objectifs collectifs ? « Les enjeux sanitaires ont toujours eu une influence directe sur l’économie et les pratiques techniques, soutient-il. Et demain, avec le changement climatique, cet impact ne va faire qu’augmenter. La vraie question est : quelle capacité d’action voulons-nous nous donner, ensemble, pour sécuriser notre avenir ? »
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